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Le Zoom des marchés – Février 2024

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LE ZOOM DES MARCHÉS

Janvier, on oublie le passé et on se positionne

Le mois de janvier est généralement celui des optimistes. On démarre une nouvelle année, on oublie le passé, surtout s’il a été sombre. On forme de nouvelles prédictions pour la nouvelle année, souvent optimistes et on repositionne les portefeuilles en conséquence. C’est pourquoi la performance des marchés en janvier est historiquement bonne. 2024 ne déroge pas à la règle. Enfin pas trop. Les marchés mondiaux ont progressé, les indices des pays développés continuant à battre record sur record. Le MSCI World, indice combiné des pays développés, gagne encore 1.2% en janvier et atteint 10 000 pour la première fois de son histoire.

Source : Ismo

Analyse des tendances du marché

Ces derniers mois l’euphorie des marchés a été entretenue par les espoirs d’une nouvelle révolution technologique autour de l’IA et la promesse de voir les taux baisser rapidement étant donné le recul spectaculaire de l’inflation en 2023. C’est pour cela que les marchés ont gagné 20% en trois mois.

Il est trop tôt pour juger de l’impact de l’IA. C’est clairement une promesse de gains de productivité spectaculaires pour les entreprises pour les mois et les années à venir. On dit souvent que ceux qui se sont enrichis lors de la grande ruée vers l’or sont les fabricants de pelles. Dans l’IA, ces fabricants ce sont les fournisseurs de processeurs à haute capacité de calcul. C’est pourquoi NVIDIA et ASML donnent l’impression que les arbres montent au ciel.

En ce qui concerne les taux, l’espoir de les voir baisser rapidement est battu en brèche par les chiffres économiques et par les banques centrales. La croissance aux US bat son plein. 3.3% de croissance au T4, rien que ça ! Ce pays ne connait pas la récession pourtant prédite par la plupart des économistes. Mais ils se trompent mois après mois, un peu comme ceux qui voient les marchés baisser et qui finiront bien par avoir raison un jour… En revanche, en Europe, il n’y a pas de quoi rigoler. La croissance est nulle et l’Allemagne est en récession. Le pays prend de plein fouet son mix énergétique pour le moins bancal et la faiblesse de la croissance de ses principaux clients que sont l’Europe et la Chine.

Source : Refinitiv

L’inflation continue de baisser notamment grâce à la baisse des prix de l’énergie. Mais avec l’intensification de la crise au Moyen-Orient, rien ne dit que le pétrole ne va pas repartir à la hausse ou que la chaîne d’approvisionnement, notamment des usines de production européennes ne soit durablement perturbée.

Perspective sur la politique monétaire

La Fed n’a donc pour le moment aucune raison de se précipiter pour baisser les taux. Tous ceux qui pensaient que la Fed allait procéder à une première baisse au premier trimestre en ont pour leurs frais. Historiquement, la Fed ne veut pas avoir de rôle politique dans les élections. Gageons donc qu’elle baissera les taux pour soutenir les marchés et l’activité avant les élections pour ne pas être accusée d’avoir favorisé la probable nomination de Trump à l’automne. 

Dans la zone euro, il faut se rappeler que la lutte contre l’inflation est le premier mandat de la BCE. Les pays du nord de l’Europe n’ont jamais accepté les politiques accommodantes de la BCE. Rappelons-nous quel était le credo de la toute puissante Bundesbank qui ne jurait que pour un mark fort comme rempart contre l’inflation. Donc la BCE non plus ne va pas se précipiter pour baisser les taux. Il est hors de question pour les banques centrales de commettre la même erreur que celle qu’avait commise Volcker, alors patron de la Fed, qui avait relancé l’inflation en baissant les taux de façon prématurée en 1980, ce qui avait relancé l’inflation. 

Même si le catalyseur de la baisse des taux n’est plus là, les marchés continuent de progresser. Cette hausse est forte et puissante. Attention cependant si d’aventure l’inflation devait repartir à la hausse. Et c’est fort possible aux US quand on voit la fermeté du marché de l’emploi. Les derniers chiffres sont spectaculaires. Les créations d’emplois progressent et le chômage baisse, là encore, contre toute attente. Mon anticipation, c’est que la Fed ne bougera pas avant l’été et qu’elle fera attention à ce que sa politique ne vienne pas interférer avec les élections.

Le point noir c’est la Chine

En Chine, rien ne va plus. D’après les chiffres officiels, la croissance économique est toujours autour de 5%. On aimerait bien avoir ça chez nous ! Mais bon, les chiffres officiels, le gouvernement les met un peu où il veut. Le MSCI China perd déjà 10% depuis le début de l’année et 30% en un an ! Entre la réglementation qui veut reprendre le contrôle, l’immobilier qui s’effondre et les investisseurs étrangers qui retirent leurs billes, le pays est dans la tourmente. Les épargnants chinois sous soumis à rude épreuve. Ils perdent sur l’immobilier et sur la bourse. D’autant plus que des produits structurés, poétiquement appelés « snowball », accélèrent la baisse des indices et vont provoquer d’importantes pertes chez les épargnants qui y ont souscrit.

Le pays doit aussi faire face à une démographie qui ralentit la croissance. Enfin, le pays est en déflation. Pas une petite déflation, non, les prix baissent régulièrement. Le pays est en voie de « japonification ».

Le challenge pour le gouvernement est important car la population grogne. Le gouvernement peut adopter à terme 2 stratégies. La première consisterait à détourner l’attention du grand public en allant faire la guerre à Taïwan. Les Américains l’ont souvent fait ces dernières décennies. Avec les US en face, c’est un peu « touchy », mais comme ils sont déjà bien occupés avec la Russie et l’Iran, tout est possible. L’autre solution, c’est que la banque centrale inonde littéralement le marché de liquidités, nous fasse un joli « quantitative easing » et que l’état mette simultanément en place une relance fiscale comme jamais vu. Autant dire que dans ce scénario, tous les actifs tangibles partiraient au ciel. Il faudra alors se positionner.

Source : MSCI.com

L’ETF BITCOIN ENFIN…

C’est le fil rouge de ces derniers mois, source de toutes les spéculations. La SEC, équivalent de l’AMF aux US, allait-elle autoriser les ETFs sur Bitcoin ou non ? Elle a longtemps résisté, mettant des bâtons dans les roues de ceux qui souhaitaient leur création. La SEC a fini par céder. L’arrivé des ETFs, c’est la fin du Bitcoin libertaire qui s’affranchit du système, des banques et des institutions.

Les ETFs, c’est le retour dans le giron de la finance classique. Alors, oui, la validation des transactions restera bien dans la blockchain, mais les investisseurs ne le détiendront plus directement. Ils possèderont des parts de l’ETF, qui lui détiendra des Bitcoins pour délivrer la promesse. L’ETF s’échange sur des marchés organisés « traditionnels », plus besoin de Binance ou Coinbase. Utiliser l’ETF, c’est aussi bénéficier de la « protection » de la réglementation. Bref, le rêve va prendre fin.

Pour autant, le Bitcoin est de plus en plus perçu comme une valeur de refuge comme l’or et à ce titre, devrait faire une entrée fracassante dans les allocations de portefeuilles via l’ETF. L’arrivée des ETFs a aussi un effet bénéfique sur la tarification mettant un terme à la goinfrade des plateformes. On est passé de plusieurs pourcent à 0.25% sur les ETFs !

Mais peu de temps après la création de ces fameux ETFs, le prix du Bitcoin a … chuté ! D’une part, cela vient vérifier l’adage comme quoi il faut « acheter la rumeur et vendre la nouvelle ». Mais c’est aussi dû à la vente d’un gros paquet par les liquidateurs de FTX et MtGox qui ont profité de la forte hausse qui a précédé. L’ETF de BlackRock dépasse déjà les 3 milliards de dollars d’encours. Gageons que le Bitcoin va remonter, c’est une question de flux. Les acheteurs sont là, le cours va bondir.

LE RETOUR DE LA CRISE DES BANQUES RÉGIONALES

On pouvait un peu s’y attendre car les problèmes ne sont pas réglés. Petit rappel : les banques régionales ont un problème assez classique d’actif-passif.

Au passif, il y a des dépôts et à l’actif des obligations et des prêts. Tant que les dépôts sont là, pas de problème, la rentabilité des actifs est supérieure au passif même si la valeur de marché des actifs baissent. En effet, cette baisse n’est comptabilisée que si l’actif est vendu. Donc, si rien ne bouge, tout va bien. Mais si les dépôts s’en vont c’est là que les problèmes commencent. Soit vous trouvez des liquidités, soit vous devez vendre et prendre la perte sur vos actifs. Ces pertes vont « manger » votre capital et s’il y en a trop, cela peut conduire la banque à la faillite.

Et effectivement, les dépôts ont eu tendance à sortir pour profiter de la rémunération bien supérieure des fonds monétaires. La Fed est alors intervenue en proposant des liquidités contre des titres en garantie, sauvant ainsi le système au moins pour un temps.

Le problème, c’est que certains prêts ou obligations détenus à l’actif sont partis dans le décor. Il s’agit des prêts octroyés pour de l’immobilier commercial (magasins, centre commerciaux, bureaux). Ces prêts menacent de ne pas être remboursés et les banques doivent alors les passer en provisions, en pertes potentielles.

C’est ce qui est arrivé à la New York Community Bancorp, connue pour avoir racheté les actifs de feu la Silicon Valley Bank (SVB). Elle a dû passer 500 millions de provisions, supprimer son dividende et publier plus de 200 millions de pertes au T4. D’autres banques commencent à passer des provisions pour des pertes sur le « commercial real estate » : la Deutsche Bank, toujours dans les bons coups celle-là, et la banque japonaise Aozora.

La crise n’est donc plus une crise de liquidité (merci la Fed), mais une crise de qualité des actifs. Bref, une crise de l’immobilier. Ça a un petit goût de déjà vu non ? Pour l’instant, seules 2 banques moyennes sont impactées. Mais le marché des « commercial real estate » est colossal. Selon Statista.com, pas moins de 120 mille milliards de dollars dans le monde. Oups !

LE COIN ESG

La vente des fonds ESG s’effondre

On l’a brièvement abordé dans le weekly de cette semaine mais le phénomène de rejet de l’ESG prend de l’ampleur. Il ne s’agit pas des agriculteurs qui ne peuvent ou veulent plus assumer seuls la transition énergétique. Le mouvement gagne aussi les investisseurs. 

L’origine de ce mouvement est à chercher aux US, dans les états républicains voulant s’opposer pour des raisons politiques aux décisions de Biden en matière de transition énergétique. Les US, toujours le deuxième plus grand pollueur de la planète après la Chine, produisent et consomment beaucoup d’hydrocarbures. Les états comme le Texas ne voient pas d’un bon œil qu’on s’attaque à ce qui a fait sa prospérité. Le gouverneur de Floride, De Santis, a lui utilisé un discours fortement teinté anti-ESG dans sa campagne pour l’investiture Républicaine (qu’il n’a pas eue). Ces dirigeants ont interdit à leurs fonds de pensions d’investir dans les produits ESG, prenant ainsi à revers les grandes maisons de gestion américaines.

Au-delà de la politique, le débat est plus philosophique. Faut-il inclure des critères extra-financiers dans une bonne gestion ? L’investissement ne doit-il pas juste délivrer de la performance, ce qui est déjà assez compliqué ?

On se rappelle les produits « Sharia » qui clairement n’étaient pas optimisés pour maximiser la performance, le taux d’intérêt étant interdit par la religion. Peut-on faire le parallèle avec les fonds ESG ?

Les fonds ESG nécessitent une analyse plus fine des entreprises et des émetteurs. Il faut collecter et analyser un volume très important de données. De plus, la réglementation s’est considérablement renforcée pour éviter le «green washing». Le revers de la médaille, c’est que les sociétés de gestion croulent sous les exigences règlementaires de reporting (annexe 2, annexe 4, annexe 1, LEC 29, …). Tout cela à un prix qui fait que les frais de gestion des produits ESG sont supérieurs aux frais des anciens produits. Je pense qu’actuellement beaucoup de société de gestion se pose la question de savoir s’il faut persévérer dans cette voie. Certains n’hésitent plus à faire machine arrière en retirant le label ESG de leurs fonds.

Mais le Président Emmanuel Macron nous l’a encore rappelé récemment, il faut multiplier par 10 les investissements privés dans la transition. Clairement cela n’en prend pas le chemin. Les souscriptions dans les fonds ESG ont reculé de 75% en 2023 par rapport à 2020. Et le nombre de nouveaux fonds lancés avec cette thématique est tombé à 6 au 2ème semestre 2023 contre 55 durant le premier semestre 2023 selon le Financial Times. Le marché est confronté à des défis tels que des taux d’intérêts élevés, des performances médiocres et une campagne politique américaine contre les investissements « woke ». On est loin du souhait des politiques de voir le secteur privé intervenir et investir massivement dans des initiatives en faveur de la transition énergétique. 

Notre conviction, c’est que d’une manière ou d’une autre, les instances vont forcer l’investissement ESG. Par exemple, en obligeant les assureurs à en détenir une partie, voire rendre obligatoire une part d’investissement ESG dans les unités de comptes de vos assurances vie. Pour le moment, ce n’est que pure spéculation mais il faudra bien trouver l’argent et ce n’est pas avec les déficits actuels que les gouvernements ont de la place.

Philippe de Gouville
CEO et co-fondateur d’Ismo

Philippe vous propose chaque semaine son analyse de l’actualité des marchés financiers sur le blog Ismo. Retrouvez ses précédentes analyses dans la catégorie Actualités du blog.