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  • L’Europe n’a pas su prioriser et assurer sa sécurité énergétique. Elle se trouve aujourd’hui hyper dépendante de la Russie et doit payer des prix exorbitants pour son approvisionnement.
  • La France a pris récemment les choses en main pour assurer la pérennité et la survie de son parc nucléaire vieillissant.
  • L’Allemagne, probablement le pays qui souffre le plus de la faillite de sa politique énergétique, va probablement devoir injecter massivement des capitaux pour sauver les entreprises qui distribuent l’énergie en provenance de Russie.

Cela ne vous a pas échappé, la France va prendre le contrôle de 100% d’EDF. Cela peut sembler anecdotique quand on sait que l’État en possède déjà 84%. C’est une décision stratégique. Le gouvernement veut à tout prix étendre ses capacités de production d’électricité nucléaire et veut que EDF investisse massivement dans la réhabilitation d’un parc toujours à moitié à l’arrêt. Ces derniers mois, l’État a mis la pression sur l‘entreprise, mais sans réel succès. En effet, un comité de direction est responsable devant ses actionnaires et pourvoyeurs de capital. Il ne peut qu’hésiter à s’engager dans une stratégie risquée et probablement économiquement non compétitive. EDF n’est pas une division du ministère de la défense mais une société privée avec comme premier actionnaire l’État. Si la France veut plus d’énergie nucléaire pour des raisons stratégiques ou géopolitiques, ou simplement s’assurer du contrôle d’une énergie essentielle pour le pays, en dehors de toute considération de compétitivité, l’État a pris la bonne décision.

Source : International Energy Agency

L’Allemagne a choisi un chemin diamétralement opposé. Après Fukushima, le pays a souhaité sortir du nucléaire et privilégier le gaz, moins « polluant » que le pétrole ou le charbon, en attendant que le renouvelable prenne le dessus. En matière énergétique, la dépendance à la Russie est devenue énorme avec la Russie comme principale fournisseur de gaz (50%). Le pays doit faire face à l’explosion des prix depuis le début de la guerre en Ukraine. L’état a pris le contrôle de Gazprom Germania, pièce essentielle de l’infrastructure d’approvisionnement et va recapitaliser le distributeur Uniper au bord de la faillite. Le pays va aussi devoir se résoudre à faire passer une partie de la hausse des prix au consommateur, avec des conséquences sociales et politiques désastreuses. Les économies réalisées ces dernières années en privilégiant l’énergie la moins chère au détriment de toute stratégie de sécurité énergétique ont été complètement balayées par des prix qui ont quintuplés en un an et par la possibilité de voir les gazoducs purement et simplement fermés. L’Allemagne entend rapidement signer de gros contrat d’approvisionnement de gaz liquéfié en provenance du Qatar (pour 2026 !). Ce gaz viendrait directement remplacer le gaz Russe. Pas sûr que devenir aussi dépendant du Qatar soit un gage en matière de sécurité d’approvisionnement !

Source : Intercontinental Exchange

Ces deux exemples viennent illustrer mon point qui est simple : les infrastructures et l’approvisionnement énergétique sont des composantes essentielles de la sécurité nationale. Refuser de prendre en compte cette donnée et privilégier les gains financiers est une erreur majeure qui a et qui va encore coûter très très cher.

L’Europe l’a compris à ses dépens et un peu tard malheureusement. Le Parlement Européen a accepté d’inclure le nucléaire et le gaz dans la catégorie des « énergies vertes ». Il y a encore quelques mois, un tel choix était inimaginable. Mais nécessité fait loi et l’Europe a un besoin urgent de modernisation, de sécurisation et d’augmentation de capacité dans ces secteurs, d’autant que l’Europe dépend aussi de la Russie pour le quart de ses importations de pétrole. Il faut donc coûte que coûte rediriger les flux de capitaux vers ces secteurs. Alors ne vous étonnez pas si vous rencontrez Engie ou Total Energies dans vos portefeuilles ESG.

Philippe de Gouville
CEO et co-fondateur d’Ismo

Philippe vous propose chaque semaine son analyse de l’actualité des marchés financiers sur le blog Ismo. Retrouvez ses précédentes analyses dans la catégorie Actualités du blog.