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Le Zoom des marchés – Août 2023

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LE ZOOM DES MARCHÉS

Un bon mois de juillet

Dans la continuité de ce qui s’est passé depuis le début de l’année, l’optimisme est plus que jamais de mise. La performance du MSCI World dépasse maintenant les 18% et les actifs de crédit les plus risqués ont largement suivi la tendance même si, sur ces niveaux de spreads, il n’y a plus grand-chose à en attendre pour le moment.

 Performance des principales classes d’actifs en juillet

Source : Refinitiv

Baisse de l’inflation : un catalyseur pour les marchés

Les investisseurs s’appuient sur les bonnes nouvelles sur le front de l’inflation. Sur un an, elle revient à 3% aux US et à 5.5% en Europe. Le Japon continue d’avoir un niveau d’inflation historiquement haut alors que l’inflation des pays émergents recule à des niveaux qu’on avait plus vu depuis longtemps comme au Brésil (3.2%). L’inflation a disparu de Chine. Le pays, toujours considéré comme l’atelier du monde, exporte ainsi sa déflation.

Source : Refinitiv
Source : Refinitiv

Dans l’esprit des investisseurs, l’inflation, c’est de l’histoire ancienne causée par un dysfonctionnement global provoqué par le Covid. D’ailleurs la croissance de la masse monétaire s’est effondrée des deux côtés de l’Atlantique, ce qui ne peut que ravir les adeptes de la théorie quantitative de la monnaie d’Irving Fischer. Pour faire court, cette théorie lie directement la création monétaire et l’inflation.

Toutefois, restons encore prudent. En effet, depuis quelques semaines, les matières premières sont reparties nettement à la hausse et ce, malgré la baisse des indices d’activités à travers le monde. Pour les matières agricoles, plusieurs facteurs expliquent cette hausse dont notamment la fin de l’accord sur les céréales ukrainiennes ou encore la sécheresse et les températures extrêmes dans certaines parties du monde (Espagne, Italie, …).

Pour les matières de l’énergie, le rebond du pétrole (+15%) s’explique toujours par la réorganisation complète des flux de matières qu’imposent les sanctions contre la Russie, mais aussi par la volonté de l’OPEP+ de contrôler les prix après plusieurs décisions concertées de réduction de la production. Dans un monde où la soif de pétrole de se dément jamais, le cartel a toutes les cartes en main. Le gouvernement américain a bien essayé de contrer ces décisions en ayant abondamment puisé dans ses réserves. Mais les réserves stratégiques (SPR) étant maintenant au plus bas, rien ne peut plus vraiment freiner la hausse des prix de l’énergie

Autre point d’attention : l’inflation ‘Core’, celle qui ne contient pas les composantes volatiles que sont les prix de l’énergie et de l’alimentation. Elle baisse mais bien plus lentement. Elle est d’ailleurs souvent supérieure à l’inflation totale. Cette inflation est plus problématique car elle a tendance à persister. Les salaires sont une des composantes importantes de celle-ci. Or, dans les pays développés, le marché de l’emploi est toujours tendu. La ressource humaine de qualité est rare et chère !

Il est donc assez probable que l’inflation ait atteint un plus bas et qu’elle va remonter dans les mois qui viennent. Dans tous les cas, revenir sur les objectifs des banques centrales (2%) ne se fera pas tout de suite.

Les banques centrales vont lever le pied

En raison de cette baisse spectaculaire de l’inflation, les banques centrales ont décidé de faire une pause. En juillet, la BCE et la Fed ont opéré une petite hausse de 0.25% et ont clairement fait comprendre qu’on était passé d’une politique de lutte sans équivoque à une approche plus opportuniste déterminée par les chiffres économiques, une approche dite « data driven ». 


De mémoire de gérant, l’amplitude des hausses que nous avons connues faisant passer les taux à 0%, voire négatif, à des niveaux considérés comme restrictifs est sans précédent. Le choc est colossal et ses effets ne se sont pas encore totalement fait sentir. On a vu récemment l’impact sur les banques régionales américaines et maintenant sur l’immobilier dans les pays développés (cf plus bas). En à peine plus d’un an, on est passé d’une politique où l’argent était gratuit et disponible à une politique où l’argent est cher et rare. Il est temps pour les banques centrales de constater si elles en ont fait suffisamment ou pas déjà trop. Le pilotage de l’économie s’apparente plus à un art qu’à une science !

Les planètes sont-elles vraiment alignées

L’évolution des marchés montre que les investisseurs donnent du crédit à ce scenario : une baisse de l’inflation couplée à une croissance qui résiste. Il faut dire que ces derniers mois, la résistance de l’économie a surpris tous les économistes qui, pour la plupart, nous prédisait une récession fin 2022, puis au premier semestre 2023 ou maintenant pour fin 2023. Les Cassandre finiront toujours par avoir raison à un moment ou à un autre. Mais ils auront raté toute la hausse de ces derniers mois. 

Cependant, on observe quelques signaux avant-coureurs qui pourraient leur donner raison. D’abord, la Chine dont la croissance et l’activité recule de mois en mois. Le pays est englué dans une crise immobilière qui ressemble tellement à celle qu’on a connu au Japon dans les années 80. Rappelons que le marché immobilier chinois est le plus important du monde, devant le marché immobilier américain, ce qui montre combien il peut être actuellement surévalué. La crise immobilière en Chine n’est pas une nouveauté vous me direz. Mais il faut maintenant y ajouter la baisse de l’activité en Europe. L’Allemagne a évité la récession on ne sait trop comment au premier trimestre. Et la situation ne semble pas prête de s’améliorer si on en croit les PMI qui prédisent encore le ralentissement des secteurs manufacturier et des services. 

Le mouvement de hausse des actifs risqués va probablement se poursuivre encore un temps tant il est fort. L’IA reste un thème très porteur. Mais il nous semble que les investisseurs sont un peu trop euphoriques et ne tiennent pas assez compte des risques sur la croissance. 

L’IMMOBILIER À LA CROISÉE DES CHEMINS : UNE CRISE EN PERSPECTIVE ?

L’immobilier, longtemps considéré comme un investissement sûr, est actuellement confronté à un ralentissement de sa croissance dans de nombreux pays à travers le monde. Cette situation est principalement attribuée à la hausse des taux d’intérêt, qui a un impact significatif sur le marché. Dans cet article, nous examinerons les facteurs qui contribuent à cette évolution et les conséquences potentielles pour les acheteurs et les vendeurs. Nous mettrons également en lumière les scénarios envisageables pour l’avenir du marché immobilier.

Hausse des taux d’intérêt : l’effet sur les acheteurs

La hausse des taux d’intérêt est un élément clé dans le ralentissement de la croissance des prix de l’immobilier. Un graphique révélateur montre que l’écart entre un emprunt à 1% et un emprunt à 3.50% a augmenté de 25%. Pour les acheteurs, cela signifie que l’annuité augmente, ce qui réduit leur capacité d’emprunt. Ainsi, à budget constant, ils doivent revoir à la baisse leurs prétentions immobilières, souvent en réduisant la surface du bien qu’ils peuvent se permettre. Ce phénomène conduit à une baisse de la demande sur le marché immobilier en matière de prix.

Côté vendeur : le défi d’ajuster les prix

Les propriétaires ayant acquis des biens lorsque les taux d’intérêt étaient plus bas ont pu bénéficier de taux de financement extrêmement favorables. Cependant, cette situation a également entraîné une hausse des prix des biens immobiliers. Avec la montée des taux d’intérêt, le marché immobilier est confronté à un ajustement nécessaire d’environ 25% pour correspondre aux nouvelles attentes des acheteurs. Cela pose un dilemme aux vendeurs, qui doivent soit accepter une baisse des prix, soit attendre que le marché se stabilise. En attendant que le marché s’ajuste, le nombre de transactions s’est effondré. 

Le marché immobilier européen : une tendance à la baisse prudente

Dans plusieurs pays européens, on observe déjà une baisse des prix de l’immobilier. Pour l’instant, cette diminution reste modérée, mais la situation se généralise dans la plupart des grandes villes, où les vendeurs pressés de conclure une transaction (comme ceux confrontés à des divorces ou des successions) exercent une pression à la baisse sur les prix. Cependant, le stock global de logements demeure relativement bas, ce qui devrait limiter la baisse des prix de l’immobilier résidentiel dans des proportions raisonnables.

Source : Bloomberg

L’immobilier est actuellement à un tournant critique, confronté à la hausse des taux d’intérêt et à une baisse de la croissance des prix. Les acheteurs doivent revoir leurs prétentions, tandis que les vendeurs doivent s’adapter à un marché plus exigeant. Malgré cela, le marché immobilier reste soutenu par une demande globale encore présente. Les perspectives futures dépendront de la capacité des acteurs du marché à s’ajuster aux nouvelles conditions économiques. Les prochains mois seront déterminants pour savoir si l’immobilier fait face à une crise prolongée ou s’il s’agit simplement d’une période d’ajustement temporaire.

LE COMMERCIAL REAL ESTATE EN CRISE : LES SCPI FACE À L’ORAGE 

Le marché de l’immobilier commercial, notamment le secteur des bureaux, traverse actuellement une période troublée, suscitant des inquiétudes quant à l’avenir du Commercial Real Estate (CRE). Les investisseurs doivent faire face à une conjonction de facteurs qui pourrait entraîner une véritable crise dans ce secteur.

Le modèle habituel du CRE repose sur une structure qui finance l’achat d’immeubles à l’aide de capitaux et d’emprunts, créant ainsi un effet de levier. L’objectif est de rembourser l’emprunt tout en générant une rentabilité stable grâce aux revenus issus de la location des locaux de bureau. Cependant, cette stratégie comporte des risques :

  • Premièrement, il y a le risque de perte des loyers lorsque les locataires quittent les locaux sans renouveler leur bail.
  • Deuxièmement, les fluctuations du marché peuvent entraîner une chute des prix de l’immobilier, impactant ainsi la valorisation des biens et entraînant des pertes pour les investisseurs.
  • Troisièmement, une hausse des taux d’intérêt peut rendre le financement ou le refinancement des acquisitions plus coûteux, affectant ainsi le rendement attendu.
  • Enfin, la liquidité des immeubles pose également un risque, car leur vente peut prendre beaucoup de temps, surtout en période de baisse des prix, ce qui peut contraindre les structures à vendre les biens rapidement pour rembourser les investisseurs qui souhaitent retirer leurs capitaux.

La situation actuelle est marquée par un alignement des planètes très inquiétant pour le CRE. Tout d’abord, la pandémie de Covid-19 a profondément transformé les habitudes de travail des salariés, réduisant ainsi le besoin d’espaces de bureau. Le nombre de mètres carrés inoccupés ne cesse de croître, ajoutant une pression supplémentaire sur le marché. En outre, les taux d’intérêt élevés rendent difficile toute opération de refinancement, tandis que les prix des immeubles de bureaux continuent de reculer, obligeant les structures à revoir à la baisse les valorisations.

En France, le marché des SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier) est particulièrement touché par cette situation. Ces produits d’investissement, également appelés « pierre papier », ont connu une forte augmentation de leurs encours ces dernières années, attirant de nombreux investisseurs grâce à leurs rendements attractifs. Cependant, cet engouement a peut-être conduit à la réalisation de programmes immobiliers sans réelle demande (un peu comme les subprimes de 2008 en fait), aboutissant à un excès de mètres carrés inutilisés en région parisienne et ailleurs. On se retrouve ainsi aujourd’hui dans un marché déséquilibré avec des millions de mètres carrés inutilisés en région parisienne, 4.5 millions rien qu’en Ile de France à fin juin. A la Défense, 20% des bureaux sont vides.

Face à la conjoncture actuelle, certaines sociétés de gestion ont décidé de revoir à la baisse la valorisation de leurs SCPI, ce qui est un événement rare. Les investisseurs, habitués à une valorisation stable ou en augmentation régulière, ont été surpris par des décotes pouvant atteindre 20 %, mises en place par des grandes maisons de gestion telles que BNP et Amundi. Il faut savoir qu’un tel mouvement est très rare. Les investisseurs sont habitués à avoir une valeur constante ou revue tous les 2-3 ans à la hausse pour suivre de manière conservatrice le mouvement de prix, et à avoir des revenus issus des loyers relativement stables d’un trimestre à l’autre. Cette tendance à la baisse des valorisations pourrait se poursuivre et entraîner une cascade de ventes d’actifs pour sauver ce qui peut encore être sauvé

Les ventes à la casse d’immeubles ne font que débuter. Primonial tente de vendre pour 30 millions un immeuble valorisé à 220 millions d’euros et KKR aurait cédé à 38 millions d’euros un immeuble acquis pour 150 millions en 2013 selon le journal les Echos. Cette crise n’est pas propre à la France. Aux États-Unis, des ventes spectaculaires ont aussi eu lieu : 2 tours de Baltimore ont coup sur coup été cédées à des prix plus de 60% en dessous du prix d’acquisition.

Dans un contexte de crise de liquidité, les conséquences peuvent être dévastatrices. Les acteurs disposant de liquidités importantes peuvent réaliser d’énormes profits en achetant à bas prix, tandis que ceux qui ne sont pas en mesure de se positionner risquent de subir d’importantes pertes.

En conclusion, le Commercial Real Estate fait face à une période critique, avec des signes inquiétants indiquant que la crise pourrait s’aggraver. Les SCPI, en particulier, sont confrontées à des défis majeurs alors que les investisseurs cherchent à protéger leur capital. La prudence et la réflexion stratégique seront essentielles pour naviguer dans ces eaux troubles.

LE COIN ESG

Selon une nouvelle étude d’IBM, l’ère où les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) étaient considérés comme nuisibles à la rentabilité des entreprises est révolue. Cette étude, intitulée « The ESG Ultimatum : Succeed or Perish » (L’ultimatum ESG : réussir ou périr), met en évidence que l’ESG est bien plus qu’un simple concept à la mode. Au contraire, il s’agit d’une nécessité pour les entreprises qui souhaitent prospérer dans un monde où les consommateurs accordent une importance croissante aux performances durables des entreprises lors de leurs décisions d’achat et d’emploi.

L’ESG au cœur de la stratégie commerciale

L’étude d’IBM a mis en évidence une transformation majeure dans la perception de l’ESG par les dirigeants d’entreprise. En effet, 76 % des personnes interrogées ont affirmé que l’ESG était désormais une priorité absolue pour leur stratégie commerciale. Ce résultat témoigne d’un changement de paradigme, où les entreprises reconnaissent de plus en plus l’importance de prendre en compte les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance pour assurer leur succès à long terme.

Des bénéfices tangibles en vue

L’étude a révélé que les entreprises leaders en matière d’ESG bénéficient d’une stabilité accrue, offrant un avantage compétitif indéniable. En effet, plus de la moitié (52 %) des « leaders ESG » ont clairement défini les avantages d’une stabilité accrue, ce qui peut avoir un impact significatif sur leur rentabilité. Cette stabilité leur permet de mieux faire face aux fluctuations économiques et d’être plus résilientes face aux défis externes.

Par ailleurs, l’ESG semble jouer un rôle essentiel dans la confiance des consommateurs. 70 % des consommateurs sont plus enclins à soutenir des entreprises alignées sur des pratiques durables, ce qui se traduit par une augmentation potentielle des ventes et de la loyauté des clients. Les consommateurs sont de plus en plus conscients de l’impact de leurs choix d’achat sur l’environnement et la société, et ils favorisent donc les entreprises responsables.

En conclusion, les entreprises ont maintenant bien intégré l’ESG pour en faire une source de valeur et de performance, n’en déplaise à tous ses détracteurs.

Philippe de Gouville
CEO et co-fondateur d’Ismo

Philippe vous propose chaque semaine son analyse de l’actualité des marchés financiers sur le blog Ismo. Retrouvez ses précédentes analyses dans la catégorie Actualités du blog.