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Même si la situation est dramatique en Ukraine, essayons ici de garder notre attention sur les objectifs à long terme.

Historiquement, les périodes d’incertitude similaires à celle que nous connaissons se sont traduites par des baisses significatives des marchés. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ils ont toujours baissé durant la période de tension pré-guerre et au début du conflit. Une fois l’impact économique évalué, ils ont à chaque fois rebondi fortement d’où l’adage « vendre au bruit des bottes, acheter au son du canon ». La baisse des marchés n’est donc pas une surprise. Les investisseurs se retirent en attendant d’y voir plus clair sur la situation militaire et sur l’impact économique du conflit et des sanctions. 

Malheureusement, dans cette affaire, l’Europe est le dindon de la farce, tant elle est dépendante de la Russie en matière énergétique (mais pas seulement, on pourrait ajouter le nickel, le palladium, etc…). En fin d’année dernière, l’Europe devait déjà faire face à une croissance qui ralentissait et à des prix de l’énergie qui montaient, les prix du gaz ayant déjà doublé au dernier semestre 2021. La crise ukrainienne a encore exacerbé ces problèmes.

L’envolée des prix de l’énergie va provoquer une forte hausse de l’inflation européenne pourtant déjà à un niveau historique de 5,8% en février 2022. La Russie fournit plus de 10% du pétrole mondial et alimente 35% du gaz en Europe. Les industries dépendantes de l’énergie vont encore être très touchées par la hausse des prix : les raffineurs de diesel, les producteurs de fertilisant, la pétrochimie … Tous ces secteurs vont devoir transférer ces hausses sur leurs clients.

Depuis l’invasion, plusieurs autres secteurs que celui de l’énergie ont connu des hausses de prix significatives : les produits agricoles, les métaux, ou encore les minerais dont l’Ukraine est un gros exportateur. Autant dire que pour le moment la chaine d’approvisionnement est rompue. Même si les sanctions n’ont pas encore touché les secteurs énergétique et agricole, elles réduisent la capacité du pays à exporter. Actuellement, tout ce qui vient de Russie est toxique. Les transporteurs refusent de charger des matières venant de Russie. Le pétrole russe de l’Oural ne trouve plus preneur et traite plus de 20$ en dessous du Brent de mer du Nord ! Shell a dû s’excuser d’en avoir acheté et a assuré que le produit de sa vente irait à des œuvres caritatives ukrainiennes.

Le secteur de la défense va connaitre une importante hausse de la demande. Le conflit a mis en évidence le besoin pour tous les pays européens de se réarmer. L’Allemagne, que Trump avait accusé de refuser de financer sa quote-part dans l’OTAN, a débloqué 100 milliards d’un claquement de doigt pour sa défense, comprenant le danger de voir changer l’agenda des Américains en Europe.

Les marchés européens sont donc ceux qui ont le plus souffert, toutes les valeurs qui ont des intérêts en Russie ayant été massacrées : le secteur automobile qui y fait fabriquer des éléments (Renault), des banques (Société Générale), des compagnies pétrolières qui se retirent (Shell, BP) …

En conclusion, nous déplorons avant tout le coût humain de l’invasion. L’impact à long terme sur l’économie mondiale est incertain, et en Europe, la BCE aura bien du mal à naviguer pour sauver la croissance et lutter contre l’inflation. 

Philippe de Gouville

Co-fondateur et gérant des fonds Ismo